L’urgence de la transition nous incite à davantage anticiper les enjeux de demain, à soutenir la créativité et des solutions en rupture avec celles que nous connaissons. En complémentarité des actions développées et essaimées dans le cadre de notre axe Alimentation durable, « Nourrir l’avenir » soutient et accompagne celles et ceux qui osent regarder et construire le monde autrement. Pour cette 4ème édition, 14 projets ont été sélectionnés par notre jury d’experts bénévoles, pour un montant de 540 000 euros.
Des solutions innovantes pour l’alimentation et l’agriculture
Dans la lignée des éditions précédentes, l’appel à projets « Nourrir l’avenir » a permis d’identifier et de soutenir des initiatives à fort impact social et/ou environnemental portant sur des enjeux émergeants, qui créent des savoirs, des services ou des produits nouveaux au service du plus grand nombre. Notre fondation souhaite ainsi encourager les projets qui ouvrent de nouvelles pistes, éventuellement risqués et/ou en rupture avec les solutions habituelles. Ces innovations peuvent être organisationnelles, économiques, technologiques, conceptuelles. Elles peuvent puiser leur inspiration dans l’histoire des pratiques oubliées ou dans la créativité et les nouvelles opportunités. « Cette année, le secteur de l’élevage est à l’honneur » explique Guilhem Soutou, Responsable Programmes Alimentation durable. « Parmi les lauréats de cette 4ème édition, certains expérimentent des modes de production de protéines animales plus écologiques, tandis que d’autres travaillent à la préservation des races de vaches locales ou sur l’approvisionnement en nourriture des poissons d’élevage. Deux abattoirs luttent pour améliorer le bien-être animal tandis qu’une école d’ingénieurs recycle des coproduits du fromage dans la fabrication de pâtes artisanales. »
Les innovations viennent également du secteur des entreprises, qui étaient aussi invitées à présenter leur projet dans le cadre de notre politique d’investissement à impact. Ainsi, le label BEE FRIENDLY, fruit d’une alliance entre apiculteurs et agriculteurs pour protéger les abeilles des insecticides, a rejoint notre fonds d’amorçage pour la transition agricole et alimentaire Tiina. D’autres candidatures sont actuellement à l’étude.
Une promotion spéciale autour de la démocratie alimentaire
Dans le cadre de l’appel à projets 2023, de nombreux candidats ont proposé à la Fondation des projets opérationnels ou de recherche sur la question de la démocratie et de la justice alimentaire. Face à cet enjeu prégnant, nous avons décidé de créer une promotion thématique spéciale en partenariat avec la Fondation de France. 18 projets en phase d’émergence ou de consolidation, ont rejoint cette année la promotion Nourrir l’avenir. Ils traitent de l’accessibilité pour toutes et tous à une alimentation saine et durable pour les personnes et la planète, et s’inscrivent dans une démarche participative et inclusive. Ils sont à découvrir ici.
Les lauréats 2023
Abattoir Paysan de la Provence verte / Pour un Abattoir Paysan dans le Var
Dans le département du Var, une quarantaine d’éleveurs se sont regroupés au sein d’une association pour faire émerger une solution d’abattage locale et à taille humaine. Vertueux tant du point de vue de la bien-traitance animale que de la cohérence sociale et écologique, ce projet innovant porte la vision d’une agroécologie ancrée dans la réalité de son territoire, en adéquation avec les préoccupations d’une agriculture relocalisée : produire de la viande pour une consommation locale, en maîtrisant la mise à mort de nos animaux, aspect trop souvent oublié de l’élevage. L’objectif est la création d’une petite unité d’abattage d’agneaux et de cabris, où la principale main d’œuvre seront les éleveurs eux-mêmes, adossé à un atelier de transformation pour la vente directe et l’approvisionnement des cantines.
Res’Eau Sol Alsace / MSV Grand-Est
Le monde agricole se révèle aujourd’hui être en première ligne de nombreux changements susceptibles de constituer à la fois des risques et des opportunités pour la santé des sols, la biodiversité ou le climat. Les partenaires du projet souhaitent transmettre et autonomiser les agriculteurs sur l’analyse et la compréhension de leurs sols à travers des formations et journées d’échanges qui transiteront peu à peu vers un fonctionnement pair à pair, ainsi que la possibilité d’auto-construire des kits d’analyse low-tech et low-cost. Le projet prévoit également le développement d’un laboratoire participatif et la capitalisation des données récoltées par les analyses de terrain.
Valorisation de lactosérum pour la fabrication de pâtes artisanales / Ecole d’ingénieurs de PURPAN
Au travers de ses différents projets de recherche, l’école d’ingénieurs de PURPAN participe activement au développement et au soutien de filières locales laitières et céréalières. Le lactosérum, coproduit issu de la fabrication de fromage est peu valorisé en alimentation humaine au niveau artisanal. La filière de pâtes artisanales est très active et en plein essor avec la volonté de valoriser des céréales de blés anciens ou d’autres céréales moins utilisées. L’objectif est la création de nouveaux produits « pâtes » en remplaçant l’eau utilisée dans le process de fabrication par le lactosérum. Le projet souhaite renforcer le lien entre les filières artisanales « lait » et « céréales » afin de valoriser des ressources à proximité (lactosérum), limitant ainsi le gaspillage et les impacts environnementaux. Les composés d’intérêts du lactosérum permettraient également de créer des produits améliorés sur le plan nutritionnel et technologique.
Promotion des variétés patrimoniales normandes auprès des futurs professionnels agricoles et de la restauration /Association 1001 légumes
L’association 1001 légumes est engagée au sein d’un réseau de promotion de variétés potagères et céréalières patrimoniales tombées dans l’oubli. Dans un souci de sensibiliser les futurs acteurs de la filière dès leur formation, elle souhaite mettre en avant les variétés potagères normandes auprès des jeunes des lycées agricoles et hôteliers. L’objectif de ce projet est de tisser des liens entre agriculture et gastronomie en suscitant l’intérêt des futurs producteurs et restaurateurs aux variétés potagères locales et leurs atouts face au dérèglement climatique. Parallèlement, le projet vise à sensibiliser les jeunes au sujet de la souveraineté alimentaire, de l’autonomie des producteurs, des filières locales, afin de leur donner les clés pour qu’ils puissent construire ensemble un système alimentaire plus résilient et durable.
Nourrir les poissons avec les algues / Calypso – Algarium
L’agriculture représente 19% des émissions de gaz à effet de serre en France ce qui en fait le second secteur le plus polluant derrière les transports (31%). L’élevage représente plus de la moitié de ces émissions alors que 63% de la production agricole est végétale. Le réchauffement climatique étant déjà en marche, il est urgent d’agir pour une réduction drastique des gaz à effet de serre. Néanmoins, il est difficile convaincre certaines de manger végétarien. Trouver un moyen de produire de la protéine animale avec nos déchets organiques ayant un impact environnemental réduit pourrait être une solution d’avenir. Le projet Algarium vise à montrer qu’il est possible de faire de la pisciculture sur un espace restreint et avec peu de ressources. Il associe un système d’aquaponie à une production d’algue grâce à des urines pour nourrir les poissons de la pisciculture.
Autonomisation et expansion de la filière biodiversités maraîchines / La maraîchine
Depuis 2019, la filière biodiversités maraîchines réunit 2 magasins Biocoop, la LPO Vendée et l’association la Maraîchine. L’objectif de ce partenariat inédit est de faire progresser la biodiversité sauvage dans les fermes, dans un esprit de montée en compétence partagée, lors de visites de fermes associant naturalistes, éleveurs et consommateurs. Cette filière approvisionne en viande les Biocoop, mais aussi des restaurants et des cantines scolaires. La transition écologique globale y est aussi questionnée (mécanisation, alimentation des animaux etc). L’objectif du projet est de créer les conditions à la mise en place d’un modèle économique juste et pérenne ; de mieux mesurer les gains de biodiversités réalisés au sein de la filière ; et d’assurer une ouverture de la filière à d’autres élevages (notamment ceux qui sont actuellement en filière longue).
Valorisons les déchets alimentaires pour la qualité des sols et des cultures vivrières / Terre et Humanisme
Le projet consiste à transformer par une fermentation anaérobie acide (bokashi) des déchets de melons (10 000 tonnes jetés chaque année dans le Gard) et d’appliquer cet amendement liquide sur du compost de déchets verts et des cultures de légumes (racines et feuilles). Un biofertilisant de référence – la litière de forêt fermentée LIFOFER – sera appliqué dans les essais. Objectif : réduire la perte de carbone dans le compost en avançant la maturation sans oxydation, stimuler la croissance des légumes et la qualité nutritionnelle, augmenter leur durée de conservation au stockage. Ce projet va être suivi par les mesures des paramètres de la vitalité que sont le pH-potentiel redox et conductivité dans les sols, les composts et les légumes, ainsi que des analyses qualitatives.
Valorisation alimentaire des espèces envahissantes de la Réserve Naturelle Nationale du Bagnas / La Capechade, Foodlab du Bassin de Thau
Au regard de l’ampleur du phénomène et de l’impact des espèces envahissantes sur la biodiversité des aires protégées, et des questionnements que la gestion de ces espèces soulève dans les aires protégées, le tiers lieu nourricier du Bassin de Thau et la réserve naturelle nationale du Bagnas se proposent de mener une étude-action de valorisation de ces espèces dans l’alimentation locale. Gestionnaires d’aires protégées, scientifiques, consommateurs, restaurateurs, professionnels de la pêche et de la chasse, collectif d’habitants et collectivités seront associés à ce projet innovant dont les enseignements auront une portée nationale. A l’échelle des réseaux nationaux d’aires protégées et notamment de Réserves Naturelles de France, aucune connaissance nationale existe sur la valorisation alimentaire de ces espèces.
PROVAE – FungiAgri – Les champignons pour l’agroécologie martiniquaise
L’association Provaé fédère des acteurs agricoles de Martinique autour de la production agroécologique de vanille et d’épices, associés à des cultures vivrières. Le projet vise l’optimisation du potentiel de fertilité naturelle des sols en appliquant des connaissances très récentes sur le fonctionnement des champignons des sols : Champignons Mycorhiziens Arbusculaires des plantes cultivées (CMA) et champignons saprotrophes de composts de sous-produits agricoles et forestiers. Les actions visent la mise en place de modèles agroécologiques comprenant des plantes d’accompagnement très favorables aux CMA et servant aussi de plantes d’ombrage et valorisant des « myco-composts » (matières organiques ensemencées par des mycéliums cultivés issus de champignons locaux) ; le suivi scientifique de ces modèles pour évaluer les résultats ; la diffusion large des pratiques auprès des parties prenantes de l’agroécologie
Enquête sur les biotechnologies agricoles de demain : solutions ou dangers pour l’alimentation mondiale ? / Inf’OGM
Depuis l’arrivée des premiers OGM il y a 20 ans, de nouvelles techniques de modifications génétiques ont été développées. Ces techniques, couplées au numérique et à la robotique, pourraient bouleverser en profondeur nos systèmes agricoles et alimentaires. Ces trois piliers, réunis sous le concept très en vogue de l’agriculture de précision, est un changement important qui ne dit pas son nom. Cependant il s’agit d’une nouvelle étape dans l’artificialisation du vivant. Les débats sont de plus en plus éloignés des citoyens. Les autorités nationales ou européennes espèrent en 2023 modifier en profondeur la législation pour que ces techniques ne puissent plus être identifiées. Les partisans de cette agriculture 3.0 affirment qu’elle permettra de lutter contre le changement climatique, réduire la faim dans le monde. Qu’en est-il réellement de ces promesses ? Inf’OGM mènera l’enquête pour nourrir un réel débat démocratique.
QualiBioSols / ITAB
L’ITAB est un organisme de recherche appliquée qui vise à produire et partager des connaissances pour améliorer la production et la transformation biologiques. L’agriculture biologique (AB) concoure à fournir une alimentation saine, respectueuse des personnes et des écosystèmes et connaît un fort essor. Le maintien de la qualité des sols constitue la clé de voûte de la durabilité des systèmes de grandes cultures bio. Malgré des externalités environnementales globalement très positives de l’AB, des études, encore peu nombreuses et partielles, incitent à la vigilance sur un maintien parfois insuffisant de la fertilité et de l’état structural et organique des sols dans ces systèmes. Face à ces enjeux, le projet QualiBioSols a pour ambition de caractériser l’état de la qualité des sols en AB à l’échelle nationale, de proposer des outils opérationnels aux agriculteurs pour en suivre l’évolution et de diffuser largement les résultats.
Abattage à la ferme Hérault – Abat’mobile 34
Les éleveurs en circuits courts font face à la disparition des abattoirs de proximité. L’association « Abattage à la ferme Hérault », qui regroupe une quarantaine d’éleveurs dans le département, inscrit son projet Abat’mobile 34 dans le cadre réglementaire de la loi Egalim pour concevoir un dispositif d’abattage mobile leur permettant de reprendre la main sur l’étape de l’abattage et d’assurer le maintien de leur activité paysanne. Ce projet répond à des enjeux éthiques par la diminution du stress des animaux avant l’abattage, socioéconomiques par la viabilité des activités d’élevage de types extensives, et sociétaux en donnant accès à une alimentation de qualité au plus grand nombre grâce aux nombreux débouchés commerciaux, dont les circuits courts, dans lesquels sont inscrits les éleveurs du groupe. Pour cela, les principales actions du projet sont de concevoir le cahier des charges de l’outil propre à l’espèce concernée ainsi que les procédures d’abattage relatives au dispositif.
Regénération Agricole / Optim’ism
Le projet « Régénération Agricole » propose un dispositif systémique et innovant pour contribuer à (ré) inventer le métier d’agriculteur de demain et l’aider à surmonter les nombreux enjeux écologiques, économiques et sociaux auxquels il fait face : réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles, renouvellement des générations agricoles, inégalités sociales et privation d’emploi… Il s’adresse à des personnes privées d’emploi, non issues du milieu agricole et portant un projet d’installation contribuant à renforcer la durabilité des systèmes alimentaires territoriaux. Dans le cadre d’un chantier d’insertion repensé, il propose à la fois un accompagnement technique, l’accès à une formation diplômante fondée sur la pratique, et la sécurisation des aspects fonciers, économiques et collectifs de l’installation agricole. Cette approche sera formalisée au sein d’une méthodologie globale et d’outils d’accompagnement en vue d’essaimer le projet et d’appuyer des structures souhaitant le déployer.
Favoriser la protection des pollinisateurs /Label BEE FRIENDLY
Les insectes pollinisateurs déclinent de manière alarmante mettant en péril la biodiversité et les écosystèmes. Les raisons de ce déclin sont multiples et complexes, mais de nombreuses études scientifiques montrent que l’abeille est principalement mise en danger par l’agriculture intensive : utilisation de pesticides nocifs, destruction de la biodiversité et donc d’habitats et de ressources alimentaires. BEE FRIENDLY est le label des agriculteurs engagés pour la protection des pollinisateurs. Cette démarche européenne vise une agriculture plus responsable en créant des référentiels par filière sur les bonnes pratiques, en certifiant et sensibilisant les différents acteurs et notamment les consommateurs. Créé en 2014 sous l’égide de l’association Bee Friendly, le label est devenu une société indépendante en 2020.