Pourquoi cette étude « Milieu étudiant et alimentation : quels enjeux, quelles solutions, quelle résilience ? Recensement d’initiatives et préconisations » vous a paru importante à mener ?
Nous travaillons avec le RESES depuis quelques années pour sensibiliser les étudiantes et étudiants aux enjeux d’alimentation durable : en tant que futur professionnel, étudiant sur un campus et « mangeur » pour le reste de sa vie. Cette période est cruciale pour apprendre et adopter des bonnes habitudes concernant les choix et pratiques alimentaires, conditions sine qua non d’une réussite scolaire et d’un épanouissement personnel. Les étudiantes et étudiants ont subi de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire : perte de petits emplois, isolement, etc. et la précarité étudiante a connu un éclairage médiatique important. En partenariat avec le RESES, nous avons souhaité renseigner, préciser les causes de la précarité alimentaire qui sont multiples et complexes et demandent des réponses coordonnées entre acteurs. De nombreux étudiantes et étudiants se sont mobilisés pour s’entraider : c’est une leçon de solidarité en temps de crise qu’il faut retenir pour mieux préparer les prochaines. La présence d’un écosystème d’initiatives soutenues financièrement et connues des bénéficiaires est indispensable. Par ailleurs, nous avons souhaité soutenir le plaidoyer porté par le RESES en apportant des chiffres et des faits : aujourd’hui l’Etat, les collectivités, les universités et les CROUS doivent s’engager bien davantage pour assurer une alimentation de qualité aux étudiantes et étudiants.
Qu’a-t-elle révélé ?
Cet appel à projets de la Fondation Daniel et Nina Carasso nous a permis de mettre en lumière les différentes causes de la précarité alimentaire étudiante ainsi que les leviers à renforcer et à activer pour y mettre fin : État, collectivités et universités doivent soutenir l’écosystème d’initiatives étudiantes mais sont surtout garants de l’accès pour tous les étudiantes et étudiants d’une alimentation de qualité accessible : une question d’argent mais aussi d’infrastructures, de temps, de proximité, de connaissances pour permettre des choix citoyens éclairés. Malheureusement les objectifs de la Loi Egalim sont aujourd’hui loin d’être atteints dans les CROUS, cela doit devenir leur priorité.
Un des objectifs de ce projet était d’outiller les acteurs du milieu universitaire : pouvez-vous nous en dire plus ?
La publication « En 2022, en France les étudiants ont encore faim » a permis d’identifier 6 actions à soutenir pour mettre fin à la précarité alimentaire étudiante. Ces propositions sont une synthèse des propositions de porteurs de projet interrogés, du comité de partenaires constitués de représentants étudiants, universitaires et de l’aide alimentaire et d’un effort de cohérence avec les objectifs définis par le Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (COCOLUPA).
La deuxième action cible les CROUS : ces derniers doivent s’engager à être les garants d’une alimentation de qualité, durable et saine, accessible à tous les étudiantes et étudiants. Afin de s’attaquer aux différentes causes de la précarité alimentaire, nous proposons le respect des objectifs Egalim (50% de produits de qualité dont 20% de produits bio) au sein des restaurants universitaires mais également la généralisation du repas à 1 euro (rejeté il y a peu par l’Assemblée nationale) ou encore l’équipement des résidences étudiantes pour faciliter la cuisine. Enfin les CROUS et universités peuvent renforcer leur soutien financier et matériel aux différentes initiatives étudiantes qui portent des épiceries solidaires, des food trucks responsables, des jardins partagés, des AMAP, etc.
Les collectivités ont également un rôle important à jouer dans l’aménagement de paysages alimentaires sains autour des campus, elles peuvent également participer aux aides financières ciblées aux étudiants (en monnaie locale par exemple) ou au travers des centres sociaux.
Avez-vous entamé des actions de plaidoyer auprès des pouvoirs publics grâce à ces enseignements ?
La publication a contribué à éclairer le plaidoyer porté par les associations RESES, Déclic et Sillage : à partir de février 2022, ces dernières ont travaillé sur la rédaction d’un livret « Des jeunes qui mangent bien : Pistes pour une alimentation durable sur nos campus ». Des rencontres avec des expert.e.s de ces sujets ont eu lieu dans ce cadre. En parallèle, entre avril et mai 2022, le RESES a rencontré des candidats aux législatives à Paris et Lyon. Le livret de propositions a été présenté à l’occasion du Salon de l’agriculture 2023, le 4 mars dernier. L’événement a réuni plusieurs acteurs de l’alimentation : les associations COP’1 et Assiettes Végétales, l’entreprise Nona et le directeur du CROUS de Mabillon, les échanges étaient constructifs et le livret a été très bien reçu par l’acteur du CROUS. Le RESES, Déclic et Sillage élaborent en ce moment leur stratégie de plaidoyer à destination des députés et des acteurs des CROUS basée sur 5 thématiques prioritaires : l’approvisionnement des campus, la formation à la transition alimentaire, la transformation des cuisines des restaurants universitaires, le développement d’une offre alimentaire durable dans les Restaurants Universitaires accessible à tous.tes et la démocratie alimentaire. De plus, la publication Let’s Food x RESES a également été envoyée au CNA dans le cadre du groupe de concertation « Lutte contre la précarité alimentaire ». Enfin, concernant la formation aux enjeux alimentaires des étudiants, Let’s Food a également contribué à la Convention Etudiante de l’Alimentation durable (CEAD) lancée par le RESES début 2023, qui réunit plus de 40 étudiants en France sur plusieurs mois afin de les former et de construire des propositions à l’échelle européenne.