Les 14 projets retenus, co-construits et à l’échelle locale, renforcent notre conviction que l’art et la culture sont le moteur de la rencontre et de l’expérimentation. Ceux-ci permettent à chacun de se réapproprier son espace de vie et de l’enrichir, de cultiver l’imaginaire et le rêve. Ces dynamiques citoyennes sont porteuses de sens et de transformation dans une région marquée par de grandes disparités mais riche de sa jeunesse et de sa vitalité. 5 d’entre elles sont accompagnées en incubation : à suivre !
Repenser le rôle des citoyens dans la culture
Avec ce nouvel appel à projets, nous avons souhaité contribuer à l’émergence et au développement de projets artistiques qui créent les conditions d’une réelle participation citoyenne, dès leur genèse et tout au long de leur réalisation.
Cette initiative est née du constat que les politiques culturelles menées ces dernières décennies, visaient l’accessibilité de l’offre culturelle au plus grand nombre mais induisaient un rôle plutôt passif du citoyen, principalement celui de spectateur. Comment aller au-delà du modèle unique de l’offre culturelle en accueillant des aspirations, des héritages et pratiques culturelles, des attentes latentes mais bien réelles des populations et offrir ainsi aux artistes la possibilité de « faire œuvre » en lien direct avec cette infinie richesse humaine ? C’est ce que nous avons voulu explorer dans cet appel à projets, explique Anastassia Makridou-Bretonneau, Responsable de l’axe Art Citoyen à la Fondation.
Nous pensons nécessaire de reconsidérer le rôle des citoyens dans l’appropriation mais aussi dans la transformation de leur culture, qu’elle soit patrimoniale ou contemporaine. Cette notion de démocratie culturelle reconnaît la coexistence et l’égale dignité d’une pluralité de cultures, l’intérêt de les faire se rencontrer, de même que la diversité possible des lieux de culture. Elle considère chaque personne comme porteuse d’une identité culturelle et, à ce titre, comme un véritable acteur culturel.
Revitaliser les territoires fragilisés
Pour la première édition de cet appel à projets, la Fondation a choisi de concentrer son action dans les Hauts-de-France, une région marquée par la jeunesse de sa population et la grande diversité de ses territoires : des concentrations urbaines dynamiques et attractives mais aussi des zones rurales et des bassins de vie post-industriels en déclin.
Face à la complexité des défis à relever, des projets artistiques et culturels issus de la coopération entre des acteurs de différents horizons – artistique et culturel, social, économique, environnemental – et la société civile nous apparaissent riches de sens et comme des outils de vitalisation efficaces.
Par cette approche géographique, nous souhaitons ainsi renforcer notre accompagnement et la mise en relation des porteurs des projets soutenus. Par ailleurs, cette concentration sur une partie du territoire national nous permettra de mener une évaluation de l’appel à projets, au plus près des réalités du terrain.
Les lauréats 2020
Pour cette première édition, nous avons reçu et examiné avec attention 129 projets. Le jury – composé d’artistes, de chercheurs, de représentants d’associations et de fondations, d’institutions publiques nationales et régionales – en a retenu 14.
Initiés par des associations des habitants, des représentants de la vie économique, des travailleurs sociaux, des éducateurs ou des élus en lien avec des artistes et des professionnels de la culture… ces projets artistiques et culturels sont le fruit d’alliances et de synergies. En cela, ils semblent être des leviers pour renforcer les échanges et les liens sociaux, pour revitaliser la vie dans ces territoires fragilisés par des difficultés socio-économiques.
Bien que chaque projet s’inscrive dans un contexte particulier, géographique, social, économique… nous pouvons distinguer deux grandes problématiques : quel rôle peuvent jouer les habitants des quartiers populaires faisant l’objet d’une rénovation urbaine ? Comment retrouver le plaisir d’une vie collective dans des territoires ruraux en déclin ? Face à ces questions, les dossiers que nous avons reçus témoignent d’un foisonnement d’idées et d’une mobilisation aussi bien des pouvoirs publics que des réseaux associatifs qui mettent l’art au cœur des réponses proposées, souligne Anastassia Makridou-Bretonneau. Notre choix s’est porté sur les projets dont les actions s’articulent non seulement en cohérence avec leur contexte mais aussi en résonance avec une perception partagée des besoins.
Cinq de ces projets sont financés pour un accompagnement spécifique lors d’une période d’incubation de 6 à 8 mois. Au terme de cette phase, ils seront réexaminés pour une éventuelle poursuite du partenariat en vue de la mise en place effective de leurs actions.
Le Quartier artistique – http://www.centreandremalraux.com/
Ce programme d’actions artistiques et culturelles participatif est mené avec et pour les habitants du quartier prioritaire Pasteur Foch d’Hazebrouck, en pleine rénovation urbaine. Il créé des espaces de rencontre et d’expression artistique en accompagnant la transformation et la réappropriation de ce quartier en devenir. Mené avec des collectifs d’artistes régionaux, au croisement des arts vivants, plastiques, visuels et paysagers, il invite à questionner le vivre ensemble et la notion de territoire. Les actions, modulables en fonction des habitants et partenaires, seront présentées lors d’un grand évènement festif..
Projet émerveillé et d’émerveillement à énergie humaine – La Brouette Bleue
Sollicitée par les habitants du village, la Brouette Bleue propose de co-construire une offre culturelle variée en croisant pratiques professionnelles et amateurs. Véritable parcours participatif, le projet s’articule autour d’une compagnie des arts de la rue et du cirque qui permettra au public d’être acteur de la parade « Yes Future”, d’ateliers de création pour encourager les pratiques amateurs, d’une résidence artistique sous chapiteau avec la rencontre d’artistes professionnels. Porté par les commerçants, associations, artistes, habitants et structures culturelles, il s’appuie sur le désir de promouvoir l’ouverture à l’inconnu, à l’autre, de faire entrer le rêve et l’extraordinaire dans la vie de ce territoire rural.
Rollin(g) stones – notre sol / notre territoire / notre avenir Projet artistique citoyen – www.ccjt.fr
Le quartier Pierre Rollin, classé prioritaire de la politique de la ville d’Amiens, fait l’objet d’une rénovation urbaine jusqu’en 2026. Superamas développera durant deux ans un projet artistique d’accompagnement des habitants de manière ludique, partagée et co-construit parde multiples partenaires (institutionnels, éducation nationale, bailleurs, associations…). Rollin(g) Stones est structuré autour de trois grands axes : « Notre sol », travail d’enquête et de recherche sur l’histoire du sol, des différentes époques d’urbanisation ; « Notre territoire », mise en valeur des territoires individuels et collectifs ; « Notre Avenir », création de rituels communs pour symboliser et mettre en spectacle la transformation géographique à partir de la vie des habitants, leurs histoires, leurs cultures.
Par les deux bouts/ Parler debout – www.lachambredeau.fr
Ce projet propose un travail artistique participatif portant sur certains territoires de la Thiérache, situés aux confins des départements du Nord et de l’Aisne, éloignés des pôles économiques et de transports. L’objectif est de faire émerger avec les habitants des enjeux propres à ces espaces, d’en faire des vecteurs de création artistique et culturelle afin de faire évoluer les représentations et encourager la résilience. Quatre artistes en résidence porteront avec eux un nouveau regard sur l’identité de ce territoire à travers des pratiques diverses (architecture, arts plastiques, gravure, théâtre d’objet, musique), des actions de médiation et de diffusion (rencontres, recueil de témoignages, œuvre collective, ateliers…)
Hmmm ! – https://assokraft.wixsite.com/kraft
Ce projet met en synergie des acteurs mervillois pour créer une dynamique citoyenne afin de transformer la ville en permettant de nouveaux usages collectifs. Il s’agit d’opérer une mutation où qualité de vie et développement territorial se conjuguent avec créativité, art et culture, en s’appuyant sur les artistes et leurs savoir-faire. Plusieurs rencontres festives permettront la mobilisation des habitants pour aboutir à des œuvres participatives qui expérimenteront des solutions autour de l’écologie, la culture, le confort, l’attractivité, le vivre ensemble.
Café Œuvre d’art www.lamaisonducolonel.com
La Maison du Colonel est un tiers-lieu culturel où habitants, artisans et artistes pluridisciplinaires entrent en interaction lors de moments de création artistique pour aboutir à l’éco-rénovation d’une friche avec l’artiste japonais Kinya Maruyama. Le projet est celui d’un lieu culturel ouvert à tous ; un café voulu, dessiné, conçu et éco-construit par les habitants. Un café qui sera une œuvre en soi, auto-construite et citoyenne, une œuvre d’utilité sociale, vivante et appropriable par tous, soutenue par une Commande publique d’Etat.
Pour une jeunesse révélée – www.libredesprit.net
Né d’une alliance entre acteurs culturels et acteurs de l’éducation populaire, de l’action sociale et solidaire, ce projet poursuit la dynamique engagée pour élargir les perspectives des jeunes adolescents/adultes et lutter contre les replis identitaires. Sur le territoire du Dunkerquois, le projet a déjà embarqué en 2019 plus de 600 personnes autour d’une création collective. Il s’agit aujourd’hui d’accompagner les parcours culturels voire professionnels de jeunes, faire évoluer les représentations les concernant, renforcer les coopérations et la place de la culture. Le projet est pluridimensionnel : résidences d’artistes, événements, formation innovante et coopérative autour des métiers du spectacle vivant.
Aux Arts citoyens – http://labaraqueliberte.fr/
Des habitants, associations, artistes et artisans amateurs et professionnels, un établissement de services et d’aide par le travail pour personnes en situation de handicap, l’écomusée de l’Avesnois et les élus de ce bassin de vie rural, ont décidé d’inventer ensemble une manière de combattre la pauvreté et l’isolement à travers les pratiques artistiques et artisanales, les rencontres et échanges. Grâce à une permanence artistique et culturelle installée au cœur du village de Féron, le projet a pour objectif de devenir un nouveau modèle participatif de médiation artistique et citoyenne, à travers plusieurs espaces phares : le café associatif, une ancienne chèvrerie, les locaux des musées, mais aussi l’espace public.
Culture de Quartier – http://www.detournoyment.com/
Implanté dans un quartier prioritaire à l’Est de Roubaix, Culture de Quartier est un lieu rassemblant des acteurs éducatifs et sociaux afin de créer des actions avec les personnes en situation de précarité. Avec le projet DÉTOURNOYMENT, chacun exprime sa réalité, sa vision du monde et prend part à la vie de la Cité : ateliers de pratiques artistiques et sorties culturelles pour des publics empêchés ; action intergénérationnelle en crèche et EHPAD ; échanges avec d’autres quartiers prioritaires afin d’interroger des enjeux sociétaux actuels ; cabanes à livres avec événements.
LES PROJETS EN INCUBATION
L’école qui se cherche – www.fracgrandlarge-hdf.fr
Il s’agit d’une école d’art, une école de la vie qui puise dans le territoire proche pour créer son programme pédagogique, en co-construction avec ses publics. L’objectif est un échange de savoirs et un apprentissage collaboratif, à partir d’une histoire, qui peut être commune, de l’Art, ou vécue. La première étape est de chercher ensemble (Maki Suzuki – åbäke, le FRAC Grand Large et les participants à ces marches) un sujet, un épicentre comme unique point de départ de cette école d’Art. Cette recherche se fait ensemble, en marchant. Cette discussion est une visite guidée qui se transforme en dialogue et en action.
Les droits culturels au travers de l’expérimentation artistique – https://www.communaute-urbaine-dunkerque.fr/
L’accueil de trois artistes sur le territoire dunkerquois, outre le travail qu’ils mèneront avec les habitants des quartiers, servira de base à une réflexion extensive sur les politiques publiques au regard des droits culturels, dans le cadre d’une recherche-action. En complément, les représentants de ce collectif participeront à des rencontres et à des recherches-action à l’échelle nationale au sein du Réseau Culture 21. Cette démarche engagée par une collectivité territoriale s’attache à penser une nouvelle culture de l’action publique.
Poésie à 2 mi-mots numérique – http://alislab.fr
Compagnie de spectacles, ALIS a été créée par Pierre Fourny inventeur de la Poésie à 2 mi- mots, une police particulière visant à couper les mots dans le sens horizontal pour créer d’autres mots. Elle prend une dimensionitinérante grâce aux typobaladeurs, permettant de fabriquer des typotickets, micro-spectacles poétiques imprimés sur un ticket, distribués au gré des rencontres et événements. Ils ont également vocation à présenter des chorégraphies de mots et favorisent l’interaction entre le « spectateur-créateur » et l’artiste. En poursuivant la réflexion sur la mise en valeur des mots et en s’adaptant aux besoins des interlocuteurs, ce projet propose un outil artistique ludique et singulier.
Terri’Toi’Art – www.diaphane.org
Initié par les associations, institutions, artistes, élus, entreprises, artisans et les habitants du bassin industriel creillois, ce projet a pour objectif la découverte du territoire, en particulier du patrimoine industriel, par les rencontres et la pratique artistique. Les habitants pourront redécouvrir et porter un regard nouveau sur ce territoire, marqué par le déclin industriel et la paupérisation. L’expérience de l’art, la médiation culturelle au sens large, la création et la diffusion artistique sont présentes à tous les niveaux de ce projet « en cascade ». Il prend forme à travers une diversité de projets envisagés (disciplines, lieux, acteurs).
Le Pont ATTACAFA – www.attacafa.com
Conçu avec une programmation d’ateliers et de spectacles, le module mobile LE PONT circulera au gré des micro-territoires de Lille (carrefours, rues piétonnes, pieds d’immeuble, places…), permettant de faire des connexions entre des zones délaissées de la ville et son centre. A chaque passage, l’association cherchera à laisser une trace en partenariat avec des artistes et structures locales. Ces interventions seront l’occasion de se donner du pouvoir d’agir et se réapproprier l’espace urbain pour rendre la ville hospitalière.
Merci aux membres du jury !
Christelle Blouët, Fondatrice et coordinatrice du Réseau Culture 21 et coordinatrice du programme Paideia en France en partenariat avec l’Observatoire de la diversité et des droits culturels de l’Université de Fribourg
Marie-Pierre Bouchaudy, Cheffe du service de l’inspection de la création artistique au Ministère de la Culture DGCA
Gilles Braun, Délégué à la protection des données, Inspecteur général au ministère de l’Éducation nationale et ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche
Laure Decouvelaere, Déléguée générale de la Fondation de France Nord
Sylvain Gouraud, Artiste photographe menant une réflexion sur l’organisation de nos sociétés
Alice Gradel, Conseillère action culturelle territoriale / Affaires interministérielles à la DRAC Hauts-de-France
François Leulier, Direction de la création artistique et des pratiques culturelles de la Région Hauts-de-France
Lucile Manoury, Responsable d’étude et de développement (Développement local, évaluation et ingénierie de projets) et associée de l’Atelier Coopératif, maîtresse de conférences associée à l’Université d’Avignon
Marie-Stéphane Maradeix, Déléguée Générale de la Fondation Daniel et Nina Carasso
Emmanuel Paris, Directeur adjoint aux affaires culturelles de l’association Les Maisons des Enfants de la Côte d’Opale
Stéphanie Pryen, Sociologue, maîtresse de conférences, responsable du parcours Développement culturel des territoires au sein du master Métiers de la Culture à l’Université de Lille
Crédit photo Couv: Sylvain Gouraud